De l’autre coté

Je me sens bizarre. J’ai eu des soins dentaires hier soir. Une simple couronne. Je l’a sens depuis et elle me gêne un peu. Je n’y ai plus trop prêté attention en fin de journée. J’étais absorbé par le boulot,  mais ce soir elle me gênait de nouveau alors que je lisais tranquille au lit. Je me suis levé, j’ai bien essayé de voir quelquechose, au fond de ma bouche, là bas en haut à gauche. Rien d’anormal quand j’ai touché la gencive à la recherche d’un abcès, d’une douleur. Je me suis de nouveau lavé les dents, en insistant, j’ai utilisé le jet dentaire en plus. Cela a saigné un peu. C’est tout.
J’ai repris mon bouquin, et là depuis quelques secondes ça ne va pas. Un truc qui monte en moi, qui a l’air de m’envahir. Je cherche, j’analyse. Mon pouls ? Il est normal à priori. Je me relève. Un peu d’eau sur la figure. Rien n’y fait, décidément il y a un truc qui déconne vraiment. Une sensation que je n’ai jamais eu auparavant.
C’est réussi, avec tout ce bazar, ma femme commence à se demander ce qui se passe.
Je lui, avoue.
-Je ne sais pas ce qui m’arrive, mais ça ne va pas.
Je me suis recouché. Je saisie le tensiomètre qui me servait lors de mes remplacements. Il est dans le dernier tiroir de la table de nuit. Pas facile, de raisonner simplement quand c’est soi même le malade. La tension à l’air correcte également. Allez le grand jeu la température maintenant, le thermomètre est dans la salle d’eau. Lorsque je me lève, la tête me tourne un peu. Je sens des gargouillis. Une gastro peut-être ? Je fais un tour aux toilettes. Ce n’est pas convaincant. Je me mets à frissoner. Tiens c’est nouveau çà. Allez c’est la grippe ? Toujours cette impression intérieure bizarre, inconnue. Cela continue à m’envahir. Le thermomètre, sonne, 36°. Une infection due à ma dent ? Je n’arrive plus à ordonner mes idées. Les frissons, deviennent incessants. Il faut faire qualquechose, j’ai l’impression que c’est sérieux inhabituel, et je me sens impuissant. Ma femme qui observe mes allers retours, commence à s’inquiéter.
-Tu veux que j’appelle un médecin ?
Un médecin à 23h40... D’abord le temps de le trouver le jour sera levé, et puis que pourra-t-il pour moi. J’ai déjà fais le tour, de la question  me dis-je intérieurement
-Je crois qu’il va falloir aller aux urgences , on n’aura pas de docteur de garde.
Je lui ai répondu en mentant. Je pense qu’il faut aller aux urgences, car je me sens de plus en plus mal, et je commence à trouiller un peu. J’ai même un court instant pensé au SAMU. Mais ça, c’est pas pour moi. J’enfile mes habits. Un tee Shirt propre, et je marche vers la voiture, avec de nouveau la tête un peu vide. On va laisser les enfants seuls à la maison ils dorment. Je frissonne de nouveau un peu plus fort. Cela devient pénible à la fin. Ma femme à démarré. L’hôpital n’est pas loin. J’ai la bouche sèche. J’ai l’impression que je vais partir. Pas cette sensation douce du malaise vagal, pas la chaleur qui monte et le coton dans la tête, non une salle impression. Une sensation qu’il y a un truc plus fort que moi là dedans, et qui peu me réserver le pire.
On s’est arrété au feu rouge. J’aimerai lui dire, que je vais vraiment mal et vu l’heure de griller le feu. Je ne veux pas l’affoler. On redémarre. Un camion de pompier nous double. Quel con j’ai été. J’aurai du lui dire d’appeler le SAMU. Maitenant, si je claque là comme un con, c’est elle qui sera plus mal que moi. Oui, je l’ai eu cette sensation bizarre, que je n’avais jamais ressenti auparavant, cette impression de bout du chemin, les pieds au bord du vide. J’ai allongé le siège de la voiture, pour gagner du temps. Une seule pensée m’a traversé l’esprit.
Si cela se trouve je ne reverrai pas mes enfants, qui dorment paisiblement.
Je devrai être traversé d’angoisse. Non pas la moindre sensation de la sorte. Le truc a du m’envahir complètement m’anesthésier. Je me sens vaincu, fatigué, je ne souffre pas, je n’ai pas peur. Je me dis simplement.
-C’est comme ça tout simplement que ça arrive.
C’est moi qui gamberge ? je ne crois pas, je n’arrive plus à échafauder de raisonnement. Je suis secoué de frissons permanents maintenant.
On arrive enfin à l’hôpital. Aux urgences.
Je marche comme je peux jusqu’à l’accueil. Les filles m’ont reconnu. Elles ne me sourient pas vraiment, c’est que je dois vraiment avoir une salle gueule. J’ai juste la force de confirmer que cela ne va pas, et je vais m’allonger sur le brancard qui est là. L’alerte est vite donnée. Et me voilà embarqué. C’est étonnant cette sensation que je ne peux plus rien maintenant. C’est à eu de jouer. Je vois les néons au plafond qui défilent, je ressens les virages du brancard. J’essaye de me déshabiller. J’arrive à enlever tant bien que mal mon pull. Je frissonne toujours. Le pantalon je n’y arrive pas. Des mains me soulèvent, je me laisse aller. Le médecin de garde arrive, c’est Thierry. Il sait déjà. C’est un bon. Je n’ai plus qu’à me laisser aller. Seulement les laisser faire. J’entends ce qu’il dit. Je vois son regard soucieux.
-Température 35°2, marbrure des genoux et cuisses, on pose une voie, vous le mettez au déchocage. Dit-il
C’était donc vraiment sérieux…
Je réponds comme je peux aux questions. Je suis toujours secoué de tremblements. Cela m’épuise. Je n’en peux plus de ces frissons. Je veux que cela cesse, rien que ça.
Electro, prise de sang, analyse d’urine, radiographie des poumons, tout s’enchaîne sans rupture.
Marine est de garde aussi. Elle a vu mon nom sur l’ordinateur. Elle est venue à mon chevet.
-Qu’est-ce que tu fais là ?
Dit elle.
Je me le demande .
Ils discutent.
C’est quoi ce truc ? Une décharge bactérienne due à ma dent soignée? Autre chose ?
Le raisonnement d’urgence prévaut pour moi comme pour les autres. On ratisse large. --Antibiotiques larges spectres, hémocultures et on verra bien dit Thierry .
J’ai froid, terriblement froid, je frissonne toujours, mais cela s’espace un peu maintenant.
La perfusion coule. On me surveille, du coin de l’œil. Le brassard à tension, le scope sont branchés. Dans la salle de l’autre coté du rideau il y a une autre personne. Je ne la vois pas. J’entends simplement le bruit de son scope, et le petit sifflement de son oygène.
Thierry, reviens me voir. Je tremble moins, et c’est cela qui m’importe. Il a eu une partie du bilan. Alors qu’est-ce qu’il va me dire ? C’est un sale truc ?
-Rien , on a rien.
Cela à l’air de l’ennuyer et de le soucier. C’est vrai qu’on aime bien quand on trouve en médecine d’urgence. Moi je m’en tape ce soir, les antibiotiques sont passés. Je ne sais pas si c’est çà mais je vais mieux. J’ai mal au cul, des douleurs musculaires, à force d’avoir frissonné.
Il me repose des questions.
-Tu as voyagé récemment ? Est-ce que tu as eu des douleurs dans la poitrine ?..
Je réponds de façon aussi précise que possible. Maintenant j’arrive à mettre à nouveau une pensée derrière l’autre.
-Qu’est-ce tu a ressenti exactement ?
J’hésite et je lui dis. Grâce à lui à priori cela va mieux.
-Thierry, j’ai cru que j’allais mourir. Cette sensation j’ai mis enfin un mot dessus, c’est celle que j’ai ressenti. Jamais auparavant je n’avais ressenti un truc pareil.
Quand un patient dit çà à un docteur, en général il le croit. Ceux qui me l’ont dit ne se sont jamais trompé en tout cas.
Cela ne va pas hâter mes chances de sortie de l’hôpital. Mais même si cela va mieux, je n’ai pas du tout envie de partir ce soir. Est-ce un signe.
Ma femme, qui attendait dans la salle d’attente a du être briffée par Thierry et Marine. Elle vient à mon chevet, elle me touche la main du bout des doigts.
-Je suis une résurrection c’est vrai, c’est sacré
me dis je intérieurement.
Je suis exténué. Les frissons ont cessé, et je me sens un peu mieux. C’est fini, je l’espère en tout cas.
Je lui dis de rentrer à la maison. Elle est habituée, à ce que je sois à l’hosto la nuit. Cette fois ci ce sera de l’autre coté que je finirai ma nuit.

Bien sûr il n’y a plus de place dans l’hôpital.
Je suis bon pour une nuit sur un brancard aux urgences. Ce que j’aménage d’habitude comme semblant de confort pour les patients dans ce cas, on le fait pour moi. On change mon brancard pour un lit plus confortable. L’aide soignant que je connais pas, me propose un oreiller.
Thierry donne les conseils pour la suite de la nuit.

-On le laisse au déchocage, on ne sait jamais. On poursuit les antibiotiques. Surveillance tension et si il y a un problème vous me bippez.
-Si tu as le moindre frisson tu nous le dis hein ?
Me dit-il avant de quitter la salle.
Le voilà reparti, j’entends un enfant qui pleure, dans le couloir. Il va sans doute le soigner.
L’infirmière, a éteint la lumière. Je ressens de nouveau, un truc qui monte. Non cela ne va recommencer.
Je ne veux rien dire. Je frissonne un coup et cela à l’air de passer comme c’est venu.
Mon problème maintenant c’est que j’ai une furieuse envie de pisser.
La perfusion d’antibiotique est passée à fond. Un litre en une heure trente. C’est sûr, qu’il va falloir faire une vidange  expresse sinon ça va  déborder. Par chance l’infirmière repasse.  Je n’avais pas la sonnette. Je ne me sentais pas trop encore trop bien pour tenter le lever, et je n’aurai pas tenu comme çà 15 minutes.
Je lui remplie l’urinoir en deux fois. Au moins du coté rénal, cela marche me dis-je.
Bon maintenant je sens la fatigue, qui arrive. Une sensation cette fois agréable.
C’est sans compter avec mon compagnon nocturne le tensiomètre. Il est réglé pour me signaler sa présence toutes les 30 minutes. Il se gonfle à bloc sur mon bras gauche, et petit à petit revient à la normale et enregistre tension et pouls. A peine je commence à fermer l’oeil, hop lui il donne de la gonflette. Je ne suis pas sûr q’une nuit nous suffise à vivre en harmonie.
J’essaye de me mettre sur le coté droit. Mais là il y a la perfusion.
Je ne vais pas faire mon emmerdeur. Tant pis je vais rester bien à plat dos. Je guette le plafond. Je vois la lumière verte du scope de ma voisine, son bip bip a été diminué.
Une pensée bizarre me traverse.
Là à la même place, il y en eu quelques un qui sont décédés. Je me rappelle en tout cas déjà pour mon propre compte, de deux réa, qui ce sont terminée par un échec.
On se demande toujours, dans ce cas , quand la personne est consciente ce qu’elle pense quand elle vous regarde avec ces grands yeux inquiets.
Est-ce ce que j’ai pensé à quelquechose de particulier ce soir ? Finalement pas vraiment. C’est un laissé aller global, une confiance qui doit être aveugle, et puis advienne ce qui pourra. On joue à la roulette et on attendt de voir ou va aller la boule.
-Faites vos jeux monsieur rien ne va plus.
Cette fois c’est passé.
On ne sait même pas vraiment ce qui m’est arrivé. Bactériémie ? autre chose ? On réflécrira de nouveau demain matin si j’ai bien compris. Si tout est négatif, il reste alors la tête. On envisage en dernier recours que tout cela est une grande pantomine. De là à frissonner et décendre à 35 °, il faudrait vraiment avoir du talent.
Moi ce qui m’importe c’est d’aller mieux.
Je vois les heures qui défilent, sur l’écran de l’ordinateur qui passe sur une grosse horloge en écran de veille et illumine aussi un peu la salle.
4 heures. 4heures 15 un coup de tension, 4 h20, un infirmier vient chercher une ampoule dans la pharmacie. 4h30 la tension. Je somnole un peu entre les allers et venues.
6h30. C’est la relève. Ue nouvelle infirmière, qui me connaît elle aussi. Elle est un peu ennuyer, de venir relever mes constantes. On l’a tenu au courant. Elle m’annonce le programme : une écho, une nouvelle prise de sang, une radio des sinus.
Je me sens mieux malgré le manque de sommeil. Je vais tester un tour aux WC en solo . Histoire de voir si je suis apte à la rue comme on dit dans notre jargon. En fait si je suis capable de faire trois pas, je me dis que je serai mieux au fond de mon lit chez moi, plutôt que de compter les heures qui défilent.
La relève médicale est là aussi, quand je reviens des  WC. J’ai de nouveau le droit à quelques questions. Je m’évertue à rassurer sur mon état de santé. Moins la jeune assistante sera inquiète, plus vite j’aurai des chances de pouvoir rentrer chez moi.
A la fin de la matinée, le reste du bilan s’avèrera normal. Ma femme viendra me chercher et je pourrai rentrer chez moi, pas véritablement satisfait de cet épisode sans explication, mais franchement content d’être bien maintenant.
L’expérience coté malade, m’a fait découvrir et comprendre beaucoup de choses qui m’étaient inconnues.



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