ty barba, maison blanche au fond de la baie
ty barba, maison blanche au fond de la baie

Etrange coïncidence.
Ma mémé, grand mère paternelle, Marie est décédée le premier jour de l’été, peu de temps avant la Saint Jean.

Mon grand père Jean, lui est décédé cinq années auparavant, en pleine canicule du mois d’Aout 2003, le jour de la saint Marie.
Elle s’est éteinte doucement au long de ces cinq dernières années qui ont suivi le départ de son époux. Comme la flamme d’une bougie consommée, elle s’est en allée sans bruit, ni plainte au bout de la nuit.
C’était la dernière représentante de mes grands parents. Avec cette disparition une page s’est tournée, et l’évidence du caractère éphémère  de notre vie, s’est fait un peu plus évident.
Dans mes souvenirs, ce ne sont pas les dernières images de son visage amaigri pour la sous alimentation maladive qui restent mais celle de la grand-mère derrière les fourneaux dans sa cuisine .
La nostalgie qui accompagne sa disparition est un peu confuse. C’est la prise de conscience de la fin définitive d’une jeunesse dorée, où je passais mes vacances chez mes grands parents au Yaudet.  Désormais les prochains sur la liste et les détenteurs de la création de souvenirs aussi riches pour nos enfants et petits enfants, se sont nous et nos parents.
Ma grand-mère souhaitait plus que tout revoir le Yaudet, ou plus exactement y retourner habiter.
La première année de son déménagement à Ploemeur, elle avait même menacé mon grand père responsable de leur migration dans le Morbihan du divorce... à 80 ans largement passés..
La légère démence amnésiante qui s’était ensuite confirmée à la maison de retraite où elle a terminé ces jours a été pour elle  salvatrice.
Elle n’a jamais vraiment compris ou en tout cas n’a jamais verbalisé, le regret que sa maison du Yaudet aie été vendue, et que désormais elle n’y retournerait plus. Elle pensait toujours n’être que de passage à Ploemeur. Chaque jour elle demandait quand on viendrait la chercher, pour la remmener là bas dans sa maison.
Ces obsèques ont eu lieux à Ploule’ch, commune du Yaudet, où elle est née. Enfin elle est désormais de retour chez elle.
Je m’y suis rendu avec mon épouse. Je ne souhaitais pas assister à la levée de corps, avec sa traversée de la Bretagne de Ploemeur à Ploule’ch. J’avais déjà vu ma grand mère sur son lit de mort et j'avais choisi avec ma mère, comme pour le décès de mon grand père les habits qu’elle porterai dans son cercueil.
J’ai fait le voyage le matin. Je souhaitais avant la messe funèbre, passer au Yaudet et y faire un tour, un pèlerinage.
Ce jour là le temps était calme et ensoleillé. Arrivé dans le haut de la côte du Yaudet, je me rappelai les souvenirs d’enfance. Quand la voiture tournait devant l’hôtel ayant appartenu au frère de ma grand mère et s’engageait dans la pente.
 
C’était enfin la fin du voyage. La pente était raide, et on la descendait avec le frein moteur. Peu après le jardin du grand père sur la droite, apparaissait entre les arbres la baie du Yaudet qui se remplissait à marée haute. Quelques mètres plus bas était la maison des grands parents Ty Barba. Le nom de mon arrière grand mère. La maison actuelle avait été reconstruite sur celle ayant appartenue à mon arrière grand mère.
Nous garions la voiture le long de la façade. Il fallait prendre soin de glisser sous un des  pneus avant la pierre de granit disposée sur le bas coté à cet effet. Les grands parents qui guettaient le peu de voiture passant aux heures tardives de l’été, sortaient alors sur le pallier.
Cette fois, personne ne sortirait alors quand je descendrai la côte . Peu avant son décès, mon grand père  avait vendu la maison pour venir habiter à Ploemeur dans un appartement plus proche de ses enfants moi même.
J’ai décidé de passer par la route de Locquémeau.  La descente de l’autre coté de la baie, est splendide. La mer apparaît a travers les pins : Les deux tourelles vertes du chenal de la rivière de Lannion. Le petit taureau, rochers de granit, veille à l’entrée de la baie de la vierge. Au dessus dans la verdure apparait la chapelle du Yaudet, et le long du sentier du corps de garde, le toit d’ardoises épaisses de la maison des douaniers.J’ai garé la voiture sur parking du Pont Roux, tout en bas de la côte avant la remontée vers le village. Là coule la petite rivière qui alimentait dans mon enfance un vieux lavoir, et où je péchais des anguilles et des truites.
En sortant de la voiture j’étais heureux et triste à la fois.
Je faisais face à la baie, la mère était basse. Je longeais la maison des « Favre » en allant sur le terre-plein face au large. La bande des rochers était à moite recouverte par l’eau. J’étais de nouveau sur ce que j’estimai être les terres familiales envahi de nostalgie.


 (Voir le Yaudet)

Il nous faillait déjeuner avant la messe prévue en début d’après midi. J’ai invité ma femme, à grimper la côte vers le « centre ville ».
La première maison de pierre était en cours d’agrandissement. La maison de « nono » elle n’avait pas changée. Le nom de « ty barba », à la mémoire de mon arrière grand mère, fixé sur la façade de la maison des grands parents avait été enlevé. La porte d’entrée toujours bien vernie habituellement nécessitait de l’entretien. Dessus à la craie était inscrit « entrée plus loin ». Le nouveau propriétaire, avait fait percer une nouvelle entrée sur le pignon  nord de la maison.  Il avait décidé de faire de la maison une sorte de salon de restauration appelé « les terrasses du Yaudet ». Mon frère y était déjà venu et m’avait dit que la maison avait été bien réaménagée.
 
Je ne sais pourquoi, je sui aller vers le petit escalier de bois du pignon, comme mu par une force invisible, et j’ai mis la main sur la poignée .
« On pourrait entrer et déjeuner ici ». J’entends encore mes paroles avec surprise, car j’étais plutôt armé de regrets intenses revendiquant encore la légitimité de le possession de ces lieux en franchissant la porte. Mon épouse je pense était tout aussi étonnée que moi de ma subite décision.
Nous avions initialement plutôt prévu de faire un tour sur le chemin des douaniers avant de déjeuner.
J’ai descendu l’escalier de bois qui menait en craquant toujours auparavant aux chambres et je me suis retrouvé dans l’ancien salon des grands parents. Les cloisons de leur chambre, de la cuisine, et du couloir avaient été abattues, les fenêtres agrandies.
En même temps que je saluais le nouveau propriétaire, j’étais pris d’un vertige et d’une furieuse envie de m’enfuir.
« Bonjour, je suis Jean-Marc Le Gac , l’ainé de petits enfants des anciens propriétaires, je venais faire un tour au Yaudet pour l’enterrement de ma grand mère décédée Vendredi ».
Tout avait été dit en un souffle. J’attendais maintenant, la foudre, l’évaporation, le désintégration.
Rien.
Le monsieur grisonnant qui m’accueillit, semblait m’attendre, et c’est avec une grande gentillesse, qu’il saisit ma main tendue. Son attitude était réellement  chaleureuse, avait calmée le malaise initial qui m’avait envahi.
Paradoxe de la situation, il me fit visiter les lieux avec un enthousiasme palpable , comme si je ne les connaissait pas.
« Ici j’ai fait des terrasses, là j’ai renforcé le mur.

Vous vous rappelez de l’ancienne salle de bain, je l’ai transformé en arrière cuisine ».
Il m’invita à remonter l’escalier  jusqu’aux chambres. Je ne souhaitais revoir que celle que j’occupais enfant. La vue par la fenêtre était toujours la même magique. L’intérieur était totalement refait, les papiers peints décollés, une mezzanine pour le couchage. J’étais rassuré, personne n’occupais mon lit, mes souvenirs seraient intacts personne ne pourra les accaparer les transformer.
De retour dans le salon il nous exposa ces projets d’agrandissements, Le cabanon atelier de mon Grand Père où il stockait ces » patates », et son « bordeaux », et où je bricolais mes lignes  deviendrait une chambre, là une passerelle, une terrasse. Plus grand chose de l’ancienne petite maison blanche de l’on voyait du large si ce n’est son âme, sa vue.

Il avait le droit à ce bonheur et ces projets même si j'aurai préféré les faire moi...
Après cette visite, à la vue des menus simples figurants sur une ardoise accrochée au mur, je lui demandai s’il était possible de déjeuner là ce midi.
Il aquiessa, et nous fit installer sur la table qu’il prénommait "des amoureux ". Elle était située  à l’emplacement de l’ancienne chambre de mes grands parents.
Etrange coïncidence une fois de plus. Je m’y installais avec ma femme. La vue sur la baie du Yaudet imprenable était encore améliorée par la rénovation des anciennes fenêtres  transformées en baies.
Notre hôte nous expliqua qu’il devait y avoir également d’autres personnes à déjeuner ce midi là.
Décidemment mon yaudet si calme, devenait par ce qu’il avait fait de cette maison un lieu visité. Il nous offrit un Vouvray pétillant et bien frais. Je le bu  à la mémoire de mes grands parents.
Les clients attendus arrivèrent. C’était  des journalistes. Une femme et un caméraman, qui réalisaient  un reportage sur le GR 38, chemin que grande randonnée qui passait ici. La maison de mes grands parents, transformée en lieu de restauration devenait une étape incontournable.
Le hasard et la coïncidence des choses devenaient désarçonantes. J’allais assister à l’enterrement de ma grand mère, et me voilà interviewé dans son ancienne chambre, attablé à la table des amoureux : «  Bonjour Monsieur … pouvez vous dire ce que représente ce lieux pour vous… »
Le hasard n’était plus possible. Je ne pouvais que vanter ce havre de paix et de beauté, je ne pouvais qu’apprécier le rougail de saucisses provenant de Ploumilleau là même ou mon grand père se fournissait également.
Non décidément rien ne c’était réellement arrêté. Certes je ne pouvais plus habiter les lieux, mais d’autres y passerai et gouterai aussi de leur richesse absolue.
Mon grand père fin cuisinier ne serait plus obliger de me maintenir à la grande table du salon en famille le dimanche  pour absorber la farandole des plats : charcuteries bretonnes, tomates farcies, gigots, fromage, fard aux pruneaux…Lui qui avait rêver d’être restaurateur, un autre était au fourneau dans son ancienne cuisine transformée pour l’occasion, ouverte sur le salon et la vue sur mer. En quelques sortes sa mémoire était ainsi perpétuée. Un autre distillait autour d’un plat, le bonheur que nous avions vécu dans ce même lieu. Etait-il privé ?
Le déjeuner se termina, sur ce sentiment extrêmement déconcertant : Tout cela était-il vraiment le fruit du hasard. En tout cas, l’oppression qui m’habitait depuis quelques jours s’était considérablement allégée.
Notre hôte, ne voulut en aucun cas que je règle l’addition de quoique ce soit. Il nous offrait ce déjeuner dans ce contexte si particulier. Je le quittais en lui promettant de lui envoyer une photo des lieux pris au siècle dernier sur une vielle carte postale où figurait ma grand mère bébé, sa mère et sa grand mère. Peut-être l’afficherait-il au mur, sorte de marque de la maison depuis son origine.
 
Nous avons regagné ensuite la voiture. Une brève pause, derrière l’église, m’a permis de m’habiller en noir pour la messe, puis de faire un rapide tour du corps de garde à pied. Le soleil était radieux, tout était paisible sans vent la mer d’un outremer profond à peine ridée.
 
Tout était un peu à l’image de ce que je ressentais désormais au fond de moi. La tristesse, mélancolique m’habite encore, mais avec l’intime conviction que comme cela il y va de la vie comme de la mort.

 

(SUITE)